Françoise Dolto

(actualisé le )

Françoise Dolto, est une pédiatre et psychanalyste française spécialisée dans la psychanalyse de l’enfance dont elle est une des pionnières.

Elle fut réputée pour l’efficacité de son travail de clinicienne, mais aussi reconnue pour son travail théorique poussé notamment sur l’image du corps. Enfin elle œuvra à la vulgarisation de ces connaissances, en particulier à travers une émission de radio, ce qui contribua à la faire connaitre du grand public.

Françoise Marette est issue d’une famille de culture chrétienne et monarchiste du seizième arrondissement de Paris. Elle était la sœur de Jacques Marette (1922–1984), ministre français des Postes de 1962 à 1967, mais elle fut surtout connue sous le nom de son époux Boris Dolto (1899–1981) qui fut l’un des pionniers de la kinésithérapie en France.

Elle est aussi la mère de Yvan-Chrysostome Dolto (1943–2008), chanteur fantaisiste plus connu sous son nom de scène Carlos, de Grégoire Dolto (1944–2008), ingénieur, et de Catherine Dolto (1946–), qui écrit des livres pour les enfants et leurs parents.

Elle est en 1977 l’une des signataires de la première des deux Pétitions françaises contre la majorité sexuelle qui appellent à l’abrogation de plusieurs articles de la loi sur la majorité sexuelle et la dépénalisation de toutes relations consenties entre adultes et mineurs de moins de quinze ans (la majorité sexuelle en France).

De religion catholique, elle a été la première psychanalyste à avoir fait une conférence à Rome, à Saint-Louis des Français sur le thème : « Vie spirituelle et psychanalyse ». Décédée le 25 août 1988, elle est inhumée au cimetière de Bourg-la-Reine dans le caveau familial aux côtés de son mari Boris et de son fils Carlos.

Bébé, elle est confiée à une nourrice irlandaise, qui s’en occupe beaucoup, au point que ses parents doivent lui parler anglais pour obtenir un sourire. Cette nurse dont elle est très proche est aussi une délinquante, qui fréquente les bordels, et quand ses parents le découvrent, ils la renvoient. Françoise Marette, alors âgée de huit mois, attrappe une bronchopneumonie, dont elle guérit après que sa mère l’ait tenue contre elle vingt-quatre heures durant au plus fort de la maladie.

À huit ans, son oncle et parrain (Pierre Daimler) meurt à la guerre. L’ayant placé comme un époux symbolique, comme peuvent le faire les enfants de cet âge, elle l’appelait son fiancé et en porta le deuil comme une vraie veuve de guerre.

À douze ans elle est profondément marquée par la mort de sa sœur Jacqueline âgée de dix-huit ans. Sa mère tombe dans une grave dépression et lui tient rigueur de ne pas avoir su prier assez fort pour sauver sa grande sœur. Elle le lui avait annoncé la veille de sa première communion, en lui disant que les prières d’un enfant très pur pourraient la sauver. Françoise Dolto rapportera plus tard :

« J’ai vu ma mère souffrir au point qu’elle ne pouvait pas tolérer de voir un enfant handicapé dans la rue, j’étais à côté d’elle, comme ça, rétrécie de souffrance pour elle et pour l’enfant qu’elle injuriait (avec la mère de cet enfant qui poussait la voiture) « si c’est pas malheureux de voir ça vivre et des beaux enfants qui meurent, quelle honte ! » (...) J’ai éprouvé comme ça des choses tellement douloureuses, avec une telle compassion pour les gens qui souffraient parce que je ne pouvais pas faire autrement.[1] »

Elle souhaite dès son enfance devenir « médecin d’éducation » selon ses propres termes. « Un médecin qui sait que quand il y a des histoires dans l’éducation ça fait des maladies aux enfants, qui ne sont pas des vraies maladies, mais qui font vraiment de l’embêtement dans les familles et compliquent la vie des enfants qui pourrait être si tranquille »

Elle doit ensuite affronter la volonté de sa mère de ne pas lui laisser passer son baccalauréat à seize ans, car elle ne serait plus mariable. Néanmoins, Françoise Marette réussit à devenir infirmière puis médecin.

En 1934, elle entreprend une psychanalyse qui durera trois ans avec le professeur René Laforgue, un pionnier de la psychanalyse en France. Celui-ci lui trouvant des aptitudes lui conseille de devenir elle-même psychanalyste, ce qu’elle refuse, et refusera longtemps, voulant se consacrer à la médecine.

Elle assistera plus tard Sophie Morgenstern, la première à pratiquer la psychanalyse des jeunes enfants en France, cette dernière lui confiant la tâche d’écouter, et seulement écouter les enfants qu’elle devait soigner.

Elle est membre adhérente de la société psychanalytique de Paris en 1939, puis elle participe à une première scission qui se produira dans les année 50 avec Daniel Lagache et Juliette Favez-Boutonnier. Ces derniers visent à s’opposer à la vision médicale de Sacha Nacht, alors qu’elle même marque son refus de considérer des analystes en formation comme des enfants. La Société française de psychanalyse est alors fondée dans son appartement (qui se situe rue saint Jacques comme l’était la société psychanalytique de Paris), et Jacques Lacan sera désigné comme président.

Cette société qui sera dissoute en 1964 (au profit de deux autres), et Françoise Dolto est aussi citée comme l’un des piliers de la création de l’une d’elles, l’École freudienne de Paris, dans laquelle Lacan jouera un rôle plus central.

On lui prête volontiers la phrase « le bébé est une personne », qu’elle n’a en fait jamais prononcée (d’après Catherine Dolto). Si en fait elle ne prête pas la conscience inhérente au principe de personne au bébé, elle n’en défend pas moins tout au long de sa carrière l’idée que l’individu est un sujet à part entière dès son plus jeune âge (dès la naissance ou même avant).

Pour elle l’enfant peut être psychanalysé très tôt en tant qu’individu. L’enfance a ainsi un rôle fondamental pour le développement de l’individu.

« L’apport essentiel de Françoise Dolto est de dire que l’enfant est à égalité d’être avec un adulte et que ce faisant il est un analysant à part entière.[2] »

Elle considère que l’enfant possède un véritable « langage »,avant même de savoir parler, l’être humain étant par essence communiquant, il communique déjà, à sa façon, par le corps : apprendre à marcher, ou même à se déplacer à quatre pattes, par exemple, c’est commencer à vouloir s’affranchir des parents et exprimer un début de désir d’indépendance.

Elle analyse également les rapports enfants-parents, et notamment l’origine du complexe d’Œdipe et l’importance du rôle du père dès les premiers jours. À travers le père, l’enfant comprend qu’il n’est pas tout pour sa mère, ce qui entraîne un rapport de frustration.

Certaines de ses propositions peuvent sembler étranges, comme l’explication à donner,selon elle, à un enfant qui demande comment il est né : « parce que tu as voulu naitre » (La difficulté de vivre). Cependant cela montre l’importance qu’elle accorde à la parole dans la construction des individus.

Sa thèse :

Elle s’intéresse essentiellement à la psychanalyse de l’enfance et soutient sa thèse Psychanalyse et pédiatrie en 1939. Elle y explique le rôle de l’affect comme support de l’intelligence et porteur de l’expression des troubles. Elle détaille son développement en fonction des castrations symboligènes successives (castration des symbôles d’états infantiles compensée par la maturation, par exemple l’échange verbal ou préverbal qui compense la têtée).

Elle explique enfin que la connaissance de cette maturation psychique est indispensable à la pédiatrie. Cette thèse soulève de vives réactions : elle est soit dénigrée avec force, soit profondément respectée, comme par Jean Rostand qui après l’avoir lue veut la rencontrer et lui déclare qu’il n’a jamais rien lu d’aussi intéressant depuis Freud.



Durant sa carrière, elle a beaucoup travaillé avec Jacques Lacan. On sait que les deux psychanalystes étaient amis et se vouaient une grande estime réciproque. Si Dolto disait parfois "ne pas comprendre ce qu’il écrivait" il lui rétorquait "qu’elle n’avait pas besoin de le comprendre puisque qu’elle l’appliquait dans sa pratique", ce qui était plus qu’une politesse puisque Lacan lui adressait ses cas les plus difficiles (par exemple Christiane Olivier).

Elle eut une grande influence sur l’émergence du féminisme politique, en même temps que Simone de Beauvoir, avant Françoise Sagan et l’évolution des mouvements féministes actuels qui font souvent référence à elle.



Quant on lui a demandé de faire une émission de radio, elle refusa d’abord, puis elle déclara que ce fut la décision la plus difficile à prendre de sa vie (propos rapportés par sa fille Catherine Dolto). Elle finit par accepter de faire cette émission sur France Inter où elle répondait aux questions que les auditeurs se posaient vis a vis de l’éducation de leurs enfants. Ce programme nommé "Lorsque l’enfant paraît" animé par Jacques Pradel eut un grand succès, à tel point qu’une génération plus tard une anthologie est parue sous forme de CD audio.


Enfin, considérant qu’il fallait agir avant qu’il ne soit trop tard, elle crée les maisons vertes. Ce sont ces sortes de crèches de socialisations ou les enfants de 0 à 3 ans viennent en rencontrer d’autres en compagnie de leurs parents. C’est un projet auquel elle sera très attachée jusqu’à la fin de sa vie et qui perdure aujourd’hui.